Le nudge, mis en boîte avec Etienne Bressoud, écoutez donc le podcast
04/10/2023
Étienne Bressoud : Écoute, la première fois que j'ai entendu parler du nudge, c'était au restaurant. Un ami, Olivier Oullier, nous a parlé de ça, ce qu'il venait de faire pour le green nudge sur la stratégie du gouvernement, en nous disant qu’il y avait un truc à faire avec le nudge. C'est un nouveau concept qui a l'air intéressant. Ça nous a intéressé. Sur le moment, on l'a un peu oublié et puis finalement on y est revenu, de manière plus forte.
Étienne Bressoud : Cet intérêt pour le nudge, il est simple. Il date de mes études, dans mes cours d'économie, quand on m'a dit que j'étais un homo economicus rationnel, maximisateur d'utilité sous contrainte budgétaire. Je ne me suis pas du tout senti un homo economicus et c'est comme ça que j'ai aimé tout ce qui était psychologie et c’est pourquoi je suis venu au nudge.
Étienne Bressoud : Alors les deux premières raisons qui sont les raisons fondamentales et les promesses du livre : 1) c'est pour mieux se former soi-même et 2) pour mieux former les autres, donc autant en tant qu'apprenant que formateur. Et puis après, il y a la troisième raison : parce que j'écris bien et que c'est agréable à lire. Et la quatrième : parce qu’il y a des images absolument géniales faites par mon ami Adrien Liard qui valent vraiment le détour.
Étienne Bressoud : La genèse de la BVA Nudge unit, c'est une rencontre entre trois passionnés de sciences comportementales qui se sont challengés l'un et l'autre pour toujours apprendre et toujours lire le dernier livre. C'est Eric Singler qui est mon CEO aujourd'hui, c'est Richard Bordenave qui dirige BVA Nudge Consulting Singapore et c'est moi évidemment.
Et puis, c’est une rencontre avec le gouvernement français, qui a dit : « C'est sympa ce que vous racontez. Et si on essayait d'appliquer le nudge pour inciter les Français à déclarer leurs revenus non plus sur un formulaire papier, mais sur internet. » On était en 2013.
Étienne Bressoud : Je vais d'abord dire que je n’aime pas trop ta question pour une raison simple : je n'aime pas parler de coup de nudge, de bluff, parce que ça laisse penser que c'est anecdotique et que l’on trouve comme ça des idées en claquant des doigts alors qu'en fait, derrière, il y a un vrai process et de la vraie science.
Mais je vais quand même y répondre : cela peut être utile aussi pour les formateurs qui nous écoutent dans le cadre du marketing de la formation que l'on peut faire.
Ce n'est pas un coup d'ailleurs mais plein de nudges ensemble sur une même page web qui ont permis d'avoir un taux de transformation de 2 à 24%. Il s’agit du site HeForShe genter equality de l'ONU sur lequel on demande aux gens de s'engager pour la cause égalité femmes-hommes. Avant seulement 2% des gens qui étaient sur la page d'accueil s'enregistraient. Après la mise en place de nudge, ce chiffre est passé à 24%. Donc c'est efficace et, en plus, c'est pour une belle cause.
Étienne Bressoud : Il avance, et il avance plutôt pas mal. Je te parle du gouvernement français : aujourd’hui il y a une équipe au sein de la direction de la transformation et de l'innovation publique qui est en charge des sciences comportementales - et ils tiennent au fait que l'on parle de sciences comportementales, plus que de nudge, parce que c'est plus large et je les comprends parfaitement en ce sens-là. Ces personnes avaient très peu de budget avant et essayaient d'avancer comme ils pouvaient. Aujourd’hui, à force d'avoir fait leurs preuves grâce au peu de budget et aux différentes choses sur lesquelles ils ont avancé, ils commencent à avoir beaucoup plus de budget, beaucoup plus de moyens pour inonder de manière plus forte toutes les politiques publiques françaises. Donc le nudge avance bien.
Étienne Bressoud : Encore une fois, si tu me parles du gouvernement, comment on s'en est emparé en France ? La petite expérience que je t'ai racontée tout à l'heure en 2013, avec l'ancêtre de la direction de la transformation et de l'innovation publique, est pour moi un point de départ sur l'arrivée du nudge en France. Puis après, ils ont réussi à avancer mais tu vois : 2013, première expérimentation, puis on peine à refaire un certain nombre de choses. Il faut attendre les années 2015-2016 pour qu'il y ait des choses qui avancent à nouveau. Donc le démarrage est un peu lent mais aujourd’hui, on a toutes les raisons de croire que c'est parti.
Étienne Bressoud : Dans la sphère privée, il y a pas mal de choses qui se font, avec pas mal de gens qui ont des brides de connaissance sur certaines sciences des sciences comportementales et qui intègrent ça de plus en plus. Moi j'ai un biais de perception : comme je connais, j'ai l'impression que tout le monde connaît, mais en réalité, pas tant que ça. Et il y a encore largement de quoi éduquer les gens sur l'intérêt du nudge et ce que l'on peut en faire. Tout le monde ne connaît pas.
Étienne Bressoud : Là, il y a quelques aficionados dont tu fais partie ! Ce n'est pas nécessairement quelque chose qui est encore complètement développé, mais ça ne veut pas dire que les gens n'en font pas sans le savoir et les gens font plutôt bien leur métier. Ils en mettent, ils en font. Les vraies questions, c'est 1) comment on peut trouver de l'inspiration grâce à la science et grâce au concept pour en faire encore plus, et pour travailler encore plus sur ces logiques-là. 2) La question de la mesure, de l'efficacité de ce que l'on fait, qui est aussi un des volets des sciences comportementales et du nudge. On met en place des nudges ou des interventions mais on mesure leur efficacité. Ça je trouve que c'est encore un petit peu trop timide.
Étienne Bressoud : Si on était parfaitement rationnel, si je parle d'un point de vue monétaire par exemple, quand tu gagnes 2€, le plaisir que tu as devrait être aussi intense que le déplaisir que tu as d'avoir perdu 2€ euros. C'est un des apports fondamentaux et fondateurs des sciences comportementales qui est de montrer que 2€ n'ont pas la même valeur selon que tu les perdes ou que tu les gagnes, contrairement à ce qu'on pouvait croire. Effectivement, t'expliquer pourquoi - il y a plein de logiques qui sont derrière. La première logique, c'est que l’on donne plus de valeur à ce qui nous appartient. Donc quand on a quelque chose, ça a de la valeur et on l'a de manière tangible. Quand on nous l'enlève, c'est dur. Alors que quand on ne l'a pas finalement, c'est ce qu'on appelle un coup d'opportunité. Donc quand on le gagne, on est content mais pas autant que dans l'autre sens.
Après je fais quand même un petit warning sur ce que tu dis par rapport à la logique de formation, parce que j'aime ton côté positif qui est d’encourager les gens avec ce qu'ils peuvent gagner sur une formation plutôt que de leur faire peur avec ce qu'ils vont perdre sur une formation. Ce sont des choses là, pour le coup, que je t'encourage à tester. Je sais que, quand c'est utilisé dans les logiques de formation, c'est souvent utilisé ex-post et ça a été beaucoup utilisé pour lutter contre l'absentéisme à l'école. Quand les enfants ne viennent pas, on envoie un mot aux parents et aux enfants pour leur dire : “En n'étant pas venu aujourd’hui, voilà ce que vous avez perdu”. Tu vois que je le fais ex-post et non pas ex-ante, justement parce que j'aime le côté positif de : “Voilà ce que tu vas venir gagner. Mais en revanche, une fois que tu n'es pas venu, j'ai envie de te marquer”.
Étienne Bressoud : Que le contexte dans lequel on fait les choses est super important pour l'apprentissage. Ce n’est pas qu’une question d'individu en tant que tel, mais c'est un individu à un moment donné dans un contexte donné. Et on joue trop peu sur le contexte.
Étienne Bressoud : Un exemple qui m'a été cité une fois par quelqu'un qui faisait de la formation. Il a prévu l'ensemble de la formation et a dit à son client : « On va exploser le budget mais la formation, on va la faire dans un théâtre ». La formation a marqué les esprits parce qu'elle avait été faite dans un théâtre. Alors il y a des raisons à cela. Concrètement, pour une même formation faite dans un théâtre, dans un endroit de séminaire classique comme on les connaît tous ou dans un point de vente par exemple si on est dans le retail, l'impact ne sera pas du tout le même.
Étienne Bressoud : Exactement, c'est plus facile sur du synchrone que sur de l’asynchrone et du digital, mais il y a peut-être des réflexions à avoir quand même.
Étienne Bressoud : Merci, à très bientôt et au revoir.
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